Petit cours d'anatomie : la structure articulaire, tous différents
Savez-vous pourquoi mon métier est passionnant ? Parce que chaque patient a une structure particulière et que les adaptations pour atteindre la non-douleur doivent être différentes pour chacun.
La structure ne se limite pas à un squelette suspendu comme il est vu dans les salles d’anatomie où les os unis par de petits fils métalliques gigotent au moindre souffle d’air. Elle se compose du squelette mais aussi de tout ce qui relie les os entre eux. C´est un système complexe stabilisé par un ensemble de ligaments, de capsules et de fibrocartilages. Il n’est pas nécessaire de les connaître pour tenir debout mais il est utile de savoir sur quoi compter pour mettre en application ce que je conseille.
Les caractéristiques externes de la structure donnent l’aspect du corps ; les internes déterminent l’orientation des articulations et la position des os les uns par rapport aux autres.
Les structures internes imposent un cadre mécanique personnalisé à prendre en compte dans l’organisation des postures et des mouvements.
Des différences externes sont évidentes comme la taille, la proportion entre les membres et le torse, le poids de l’ossature, la forme du torse, etc. D’autres internes le sont moins comme une forme de bassin, une torsion de tibia, un pied plutôt plat ou creux ou qui tourne, des rotules en dedans ou en dehors, une épaule tournée vers le côté ou un peu vers l’avant, etc. Les exemples s´observent à tous les niveaux et sont infinis.
La nature offre et impose à chacun une carte d’identité articulaire non modulable.
Certaines situations sont douloureuses parce que des particularités anatomiques ne sont pas prises en compte. Des solutions simples sont alors possibles à la condition d’accepter l’idée que la bonne posture n’est pas celle que nous voulons avoir mais celle que notre structure nous permet.
Arrêtons de lutter contre notre structure et composons avec elle. Apprenons à la connaître et à s’adapter à elle.
« Je ne peux pas dormir dans un sac de couchage sarcophage. »
Les sacs de couchage sarcophage sont très étroits et je ne peux pas dormir dedans jambes serrées.
Cet exemple souligne que ce n’est pas parce que certains s’y sentent à l’aise que c’est le cas pour tout le monde.
Le besoin d’écarter des jambes fait partie des caractéristiques à inscrire sur la carte d’identité articulaire.
Trouver sa façon de bouger
C’est en apprenant à poser le pied par terre en salsa que je me suis rendu compte que mon cerveau m’imposait une gestuelle sans tenir compte de ma structure.
Aujourd’hui, les recommandations que je donne à mes patients sont à l’opposé de celles d’« avant ». Elles étaient pourtant ordinaires et je n’imaginais pas alors qu’inciter à se tenir plus droit et à se renforcer puisse être critiquable.
Mais, si l’on veut bien être attentif aux mots et ne pas tomber dans la caricature, il est possible de comprendre que, si « se tenir plus droit » et « serrer plus ses muscles » contraignent notre structure, cela puisse avoir des inconvénients comme empêcher les déverrouillages, limiter la rotation cervicale, fixer le torse et le bassin ou limiter la respiration.
Mes dix ans passés en cours intermédiaire de salsa m’ont appris que placer les articulations comme Antoine le professeur était une bonne solution pour de nombreux élèves... mais pas pour moi ! Si j’ai mis autant de temps à faire un pas de base correct, c’est parce que mes articulations ont des angles de travail différents de ceux d’Antoine.
Mon premier exercice a été d’associer une meilleure flexion de genou et moins de tension dans le bas du dos. Le dernier a été de mieux placer ma main : les danseurs de salsa placent souvent leur main sur le haut de leur cuisse comme pour attraper leur pantalon, histoire de style. En les imitant, je n’en ressentais aucun bénéfice et j´ai finalement compris que ma structure n´était pas adaptée à ce mouvement ou plutôt que ce mouvement n’était pas adapté à ma structure. Quand je pose la main sur le haut de ma cuisse, mon épaule se retrouve un peu en arrière et cela force mon buste à se redresser en bloquant le bas de mon dos. Cela m´empêche donc de danser ! Je sais maintenant que si je place ma main sur ma ceinture en croisant le bras devant moi, mon épaule est plus avancée, mon torse et mes lombaires restent libres et mon pas salsa en profite.
Je considère qu’un bon nombre de mes patients ne sont douloureux que parce qu’ils s’imposent des postures et des mouvements inadaptés. Leurs dos sont sains mais les contraintes qu’ils s’imposent les bloquent.
La scoliose est une déformation complexe de la colonne vertébrale qui n’est pas liée à la posture ni aux cartables lourds. Elle est probablement d’origine génétique.Il n’y a aucune incidence des habitudes de vie sur l’évolution de la scoliose.
La scoliose est une maladie de la structure. L’objectif médical est son suivi pour ne pas passer le moment où une prise en charge contraignante par corset est nécessaire.
À mes yeux, l’accompagnement devrait viser à favoriser la mobilité, la souplesse, la sollicitation intelligente, le plaisir du mouvement, le travail sur le style plutôt que la recherche du « se tenir droit » et du « renforcement » tel qu’il est compris par les patients.
Quand mes patients marchent raide et les pieds bien droits, je leur conseille de les ouvrir un peu. Je constate alors moins de tensions.
La petite contrainte exercée pour mettre les pieds droits peut limiter la mobilité des arrière-pieds, des genoux, des hanches puis du bassin et bloquer le dos. Je fais donc attention aux retentissements en chaîne des adaptations que mes patients imposent à leur structure.
Forcer sur sa structure ne la modifie pas et lui fait perdre ses capacités.
S’y adapter est profitable.
Dans la vie de tous les jours, l’organisation des postures droites et des mouvements suivent les mêmes règles à tort. Il est pourtant facile de constater qu’en sport, chacun a son style, un mouvement préféré ou des difficultés différentes. Pourquoi n’en serait-il pas de même pour s’assoir, se relever, marcher ou éplucher les légumes ?
Prendre appui sur sa structure
La colonne vertébrale tire sa stabilité du corps de ses vertèbres, de sa structure en trépied et de ligaments très puissants qui les encadrent comme deux murs, un antérieur et un postérieur. Vous l’avez-vous-même constaté en position assise bas du dos enroulé.
Et pourtant, elle est considérée fragile à tel point que nous ne raisonnons à son sujet qu’en termes de verrouillage musculaire et non de stabilité jusqu’à nous faire peur au moindre geste. L’origine de ce comportement me paraît aujourd’hui assez claire et elle vient de ce qui nous est inculqué.
C’est parce que nous n’osons pas sortir des postures droites que nous ne profitons pas de la stabilité naturelle du dos.
Oser en sortir en apprenant à prendre appui sur sa structure et à lui faire confiance me paraît être du coup une proposition nécessaire mais j’en connais toute la difficulté. J’ai défriché seul le parcours et j’ai dû m’affranchir de ce type d’information :
Je cherche sur internet des informations grand public sur la scoliose et je tombe sur un schéma de postures de hanche dites « vicieuses » en raison d’un dos pas droit ou d’un appui sur la hanche jugé excessif. Ces trois positions sont pourtant pour moi des positions normales avec appui et non des attitudes vicieuses et je pense que c’est parce que nous nous privons de ce type de posture que nous ne trouvons pas des postures de dégagement en cas de mal de dos.
Coup de gueule
Quand je vois une telle information écrite par une sommité scientifique, je me sens tout petit, très énervé et écrasé par la difficulté à expliquer ce que j’ai appris. Je me demande si ce n’est pas une erreur de vouloir chercher à expliquer avec pondération et s’il ne serait pas mieux de crier un grand coup « Halte aux fous » ou « Courage, fuyons ! ».
Je me demande comment des sommités qui s’occupent d’une pathologie aussi sévère que la scoliose où l’idée de donner le maximum de bien-être aux patients est aussi importante, peuvent déclarer « vicieuses » des postures que je crois essentielles à la mobilité, au relâchement et à l’équilibre.
Je dis à mes patients : « Osez évaluer par vous-même ; votre dos saura finalement ce qui est bon pour lui. »
Ce n’est pas une position habituelle et la déconseiller ne va pas changer la vie de beaucoup de monde, mais tout de même ! Cela revient à faire passer le message à ceux qui se sentent bien en prenant cette position qu’ils ne sont pas à même d’évaluer si une position est bonne ou pas. C´est là le début de la fin d’une bonne gestuelle.
La seule façon de savoir si cette position est bonne ou pas est de la prendre et de l’évaluer en s’écoutant. Pourquoi la pression exercée sur le cartilage, après avoir ouvert la hanche, serait traumatisante ? Je ne vois pas !
Si cette posture est « vicieuse », il faut prévenir Ronaldo, le meilleur joueur du monde de football, de se méfier de la position qu’il prend avant de tirer un coup franc. Il se tient jambes bien écartées ! Il faut aussi prévenir tous les joueurs de golf que la position de swing est vicieuse.
Il y a peu de temps, une jeune femme en fin de consultation s´est mise debout jambes écartées. Je m’en suis étonné. C’était la première fois que je voyais une patiente la prendre. Elle qui ne trouvait habituellement aucune position droite dans laquelle elle était totalement à l’aise, venait de se laisser aller à prendre SA position de base. C’est souvent en fin de consultation que la carte identitaire du patient se révèle.
« Stop, ne bougez plus » lui ai-je dit. « Vous êtes une Ronaldo. Comme lui, vous êtes une super droite et il n’y a que dans cette position que vous pouvez relâcher votre dos. »
— Oui, c’est vrai Docteur. Je me sens bien. Cela fait très longtemps que je ne me suis pas mise comme cela. Je faisais ça ado dans la cour du lycée et ma mère m’avait dit que ce n’était ni bon ni bien ! »
Voilà comment on passe à côté de ce qui est bon pour le dos. On écoute les autres et on ne s’écoute pas !
Avec le dos, c’est pareil. Il ne faudrait pas se tenir de côté, même si on est bien !
Asseyez-vous à votre bureau, coudes posés dessus, bras croisés. Détendez-vous. Transferez votre poids sur une fesse comme si vous deviez lire un journal posé sur le côté. Demandez-vous si vous êtes bien ou si vous sentez que quelque chose n’irait pas.
Si vous avez l’impression que tout va bien, notez la position de votre dos. Il n’est pas droit. Certains vous diraient que vous êtes tordu. Or, pour moi, vous avez simplement donné une angulation au dos et trouvé des appuis de structure qui stabilisent la position et la rendent fonctionnelle, en tout cas, pour un certain temps. À vous de voir, avec l’expérience, combien de temps elle le sera !
La colonne propose des appuis de structure dans toutes les directions et c’est dans l’intelligence du corps à aller les chercher que se font les bonnes postures et les bons relâchements. Ensuite, tout est une question d’équilibre et de bon sens.
En période douloureuse, c’est la tolérance du disque blessé et la non-douleur qui valide la justesse mécanique des organisations articulaires testées.
N’oubliez pas que la peur de solliciter le dos fait prendre le risque de verser dans un contrôle musculaire permanent, réducteur de mobilité et inducteur de contrainte qui est lui-même source de douleur.
Habituez-vous à penser aux postures et aux mouvements en termes de stabilité.
Essayez cette nouvelle position :
Debout, levez les bras devant vous coudes pliés comme pour former un cercle, avant-bras et mains légèrement inclinés vers le bas, épaules relâchées et abaissées, et ajustez l’écartement des coudes de quelques degrés en les resserrant ou en les écartant pour retenir la position la plus reposante.
Ensuite, écartez les pieds de la largeur des épaules ou un peu moins. Laissez les genoux s’avancer jusqu’au déverrouillage. Je vous rappelle que l’avancée des genoux se fait en basculant légèrement le bassin vers l’avant et que le déverrouillage n’est pas une flexion classique des genoux fesses en arrière. Prenez un bon appui sur les genoux. Rentrez la pointe des pieds, vous devriez encore améliorer votre stabilité.
Corrigez ensuite la position du bassin. Basculez-le un tout petit peu plus et laissez-le s’avancer pour voir si les appuis au sol s’améliorent. Tous ces ajustements articulaires se font en douceur.
Enroulez légèrement le haut du torse et le cou.
Vous y êtes presque. Vérifiez où vous en êtes au niveau respiratoire. Si vous avez une respiration haute, ne rentrez pas le ventre et détendez la sangle abdominale. La respiration doit être calme et le visage détendu.
Comment vous sentez-vous ? Ressentez-vous les soutiens de votre structure ? Avez-vous l´impression que vous pourriez rester comme ça longtemps ?
Vous rendez-vous compte que, pourtant, rien n’est droit ?
Cette posture s’approche de celle de l’arbre en qi-gong. Vous en ressentez l’enracinement et la stabilité. Elle utilise les appuis articulaires et c’est pour cela qu’elle se maintient sans fatigue et qu’elle libère l’esprit.
Vous ne vous tenez jamais comme ça, moi non plus, mais le but est de constater que des logiques articulaires inexploitées offrent plus de stabilité que celles qui nous servent de référence.
Les appuis en cours de mouvement sont tout aussi importants. J’analyse souvent mes gestes quotidiens comme une succession de situations stables. Pour tendre le bras, je cherche un point d’appui sur le haut de mon dos, puis au niveau de mon épaule, puis du coude puis du poignet. Amusez-vous à faire pareil. C’est un jeu instructif.
La stabilité donne de la qualité et de la cohérence au geste.
La formidable stabilité des genoux et des épaules
À l’arrière du genou, de chaque côté, là où s’insèrent les deux gros tendons que vous pouvez palper, se situe un épaississement interne important qui est un mélange de fibres et de cartilage. Il est appelé « Point d’Angle Postérieur », avec également un épaississement de la capsule qui enveloppe les condyles (les extrémités arrondies du fémur) dans une coque fibreuse. Ils servent d’appui lorsque vous positionnez les genoux en extension.
De la même façon, l’épaule est stable grâce aux tendons, aux ligaments et à la capsule. Vous pouvez tirer, pousser, faire des pompes, vous suspendre à une barre ou encore les faire balloter d´avant en arrière comme les danseurs de rumba. La structure de l’épaule est conçue pour toute cette variété de mouvements mais trop contracter les muscles des épaules fait perdre les capacités à trouver le placement juste et le bon rythme dans le mouvement avec le risque de la blesser par excès de force.
C’est ce mélange de force et de liberté articulaire qu’il s´agit de rechercher et d’entretenir.
Structure droite et structure ronde
J’espère avoir gagné un peu de votre confiance en vous invitant à adopter des positions de soulagement particulières et à sortir de la position droite de référence.
Ce peut être pourtant difficile d’autant qu’il n’est pas facile de mettre un mot sur la posture ni droite ni avachie que je vous conseille. J’en ai bien un. Je m’y suis fait, l’aime bien, et n´en ai pas trouvé de meilleur. Appliqué à un caractère ou à une manière de faire, il connote la douceur et l´agréable mais, quand il s’agit de posture, il choque. Ce mot auquel j’accorde tant d’importance, est « rond ».
Je classe les structures en droite et ronde. Les structures droites ont la chance de correspondre au modèle de référence alors que les structures rondes sont soumises à leur diktat.
Ce n´est pas une distinction théorique ou esthétique, elle est au contraire pratique et fonctionnelle. J’ai mis un certain temps à comprendre que ma posture droite n’était pas équivalente à celle de référence et que celle-ci n’était bonne que pour une minorité.
J’ai ensuite classé mes patients en trois groupes : les « droits » à l’aise avec la posture droite, les « ronds » qui ne le sont pas et les « intermédiaires » qui combinent en fonction des circonstances.
« C´est mieux d´avoir une structure droite, non? »
Je ne sais pas si c’est mieux mais en tout cas c’est plus simple. Ça évite d’avoir à se dire ou d’avoir à entendre régulièrement « Tiens-toi droit ! ».
Pour le reste, ça dépend !
Nous avons été élevés dans le culte du « droit » et, dans ce contexte-là, valoriser le « rond » est perdu d’avance sauf en cas de mal de dos car il a alors une vertu inégalable, celle de mener à la non-douleur.
Les solutions posturales apportées par la rondeur sont beaucoup plus efficaces sur la douleur que celles apportées par la position droite. Mon but est de vous le montrer.
Je dis souvent à mes patients qu’accepter un peu de rondeur est un choix de vie. On peut choisir de rester droit dans ses certitudes et souffrir, ou se donner la chance de trouver son bonheur non-douloureux en se tenant rond. Chacun choisit ! Je propose et vous disposez !
Pour vous rassurer, la position ronde détient d’autres vertus encore plus surprenantes que celle de la non-douleur comme l’allure, le charme, la beauté, … L’esthétique de la rondeur est réelle !
Tout le monde sait que la position droite type « balai » n’est pas la plus esthétique !
Nombreux sont ceux à structure ronde qui passent leur vie à côté de leur vraie nature, ce qui n’est pas rien. Et nombreux sont ceux à structure droite qui ignorent la petite composante de rondeur qu’ils ont en eux.
Certains ont des structures très droites et d’autres très rondes. J’ai à mon cabinet une photo de Chirac et de Raffarin en train de défiler pour exemple.
Le moment est solennel. Chacun se tient au mieux. Chirac est droit comme un I dans sa structure droite. Raffarin est rond dans sa structure ronde. Les choses vont de soi. On voit bien que, si Raffarin se redressait pour masquer sa rondeur dorsale, il contraindrait son dos perdant sa position fonctionnelle. Il serait alors faussement droit et ne serait plus lui-même. Chirac est plus élégant, certes, mais Raffarin a du bon sens. Il sait que sa nature est dans la rondeur.
Rond n'est par rond
Le rond des structures n’est pas le rond comme il est compris habituellement.
Un des malentendus courants, lorsque je présente la notion de structure ronde, est une confusion avec la rondeur comprise comme excès de poids. Lorsque je dis à certains qu´ils ont une structure ronde, ils comprennent que je les trouve gros alors que cela n’a rien à voir. Comme le définit le Larousse, est « rond » ce qui présente une courbe. Cela tombe bien : nous sommes faits de courbes. La colonne est un système de courbes ; le thorax, les clavicules, les omoplates sont courbes, … Pourquoi donc être choqués si le dos l’est ?
Je dis que je suis rond parce que ma structure interne trouve avantageux que je profite de ses courbes dans mon organisation articulaire. Je joue souvent avec mes patients en mettant le plus possible de rondeur dans mes articulations tout en faisant très attention à donner la plus belle allure possible.
D’un côté, j’ouvre un pied, déverrouille un genou, mets un léger déhanchement à peine visible de l’autre côté, recule mon buste suffisamment pour obtenir un peu d’enroulement lombaire, avance l’épaule du même côté et tourne un peu la tête sans monter le menton pour mettre de la rondeur ou, pour dire autrement, pour sortir de tout ce qui est droit et symétrique. Et je monte le point du maintien en bombant le torse et en m’arrêtant dès que je perçois quelques tensions. « Mais, Docteur, vous me demandez de m’arrondir alors que vous vous tenez droit ! » « Mais non, je ne me tiens pas droit, je me tiens bien tout en rondeur ! ».
Une autre réaction courante est de croire que la rondeur mène à l’avachissement. Ce n’est pas le cas. Tout est une question d’organisation et de respect des équilibres.
S’arrondir un peu en cas de mal de dos par un déverrouillage des genoux, une légère bascule du bassin, un léger recul du buste et une avancée des épaules ne mène pas à un avachissement mais à une position un peu ronde non douloureuse. L’avachissement est obtenu si les jambes restent droites, les fesses en arrière, le buste et les bras en avant et le regard à l’horizontal.
L’idée de la rondeur et de sa maîtrise doit faire son chemin.
La rondeur présente de multiples avantages à la fois esthétiques et fonctionnels. À mon cabinet, j’ai un book avec des photos de mannequins, de portraits et de sculptures pour prouver que la rondeur est partout. Je montre Marilyn Monroe jamais tout à fait droite, tout en rondeur de forme mais aussi en rondeur de structure avec ses épaules avancées et son dos arrondi... et son allure.
Chez les sportifs, il y a les très droits avec Ronaldo pour le football et Djokovic pour le tennis. En revanche, Messi a une structure ronde : si vous regardez ses photos, il tire souvent parti d´une des variations que je vous propose, le bas du dos arrondi et les épaules en avant. Le tennisman Wawrinka fonde la puissance de ses frappes sur sa rondeur. En revanche, Federer bénéficie probablement d’une posture neutre qui lui permet d´alterner les postures droites et rondes avec facilité : il fait partie de ceux que j´appelle les surdoués du mouvement. Chez les acteurs, Jean Dujardin et Marion Cotillard ont une structure ronde malgré le fait qu´ils se tiennent droits lorsqu´ils sont en représentation. Il y a régulièrement des photos sur lesquelles ils ont le dos arrondi et les épaules avancées.
Et les exemples qui prouvent qu´aucune structure n´est meilleure ni pire lorsque l´on sait en tirer parti sont infinis.
À mes patients, je donne aussi en exemple les artisans ou ma femme de ménage Rita qui ont le sens du mouvement et qui peuvent travailler une semaine, un mois, un an, une vie parce qu’ils mettent de la rondeur dans leurs mouvements. Ils sont penchés sur leur établi, sur leur brouette, sur leur aspirateur. Aucun ne se tient droit comme un I mais ils sont en accord avec eux-mêmes et avec ce qu’ils font.
Comment savoir si vous avez une structure droite ou ronde ?
Le test de la posture droite en position assise
Le test de la posture droite en position assise évalue le niveau de tension musculaire nécessaire au maintien et classe les structures en droite ou ronde.
Je le fais faire à mes patients en début de consultation.
Il y a trois cas de figure :
1. Le patient roule facilement sur ses ischions avec un bon appui final sur sa cambrure. Il maintient sa position droite sans peine. Il a une structure droite.
2. Il roule moins sur ses ischions et la cambrure n’est pas assez marquée pour qu’il puisse y trouver un bon appui. Il a besoin d’un contrôle musculaire, ce qu’il fait normalement sans problème. Il est souvent bien et ce sont les périodes de surcharge de travail, de fatigue ou de manque d’activité sportive qui favorisent ses douleurs. S’il recule le buste en roulant vers l’arrière sur les ischions, le bas du dos s’enroule un peu et les tensions dorsales s’estompent immédiatement. Il a une structure intermédiaire.
3. Il ne roule pas bien sur ses ischions et il ne tient pas dans sa cambrure. Il ne tient assis en position droite de référence qu’en s’imposant un verrouillage musculaire fort qu’il est impossible de tenir longtemps. Il a de toute évidence une structure ronde.
Dans ce groupe rond, certains ont mis par eux-mêmes le concept de la position droite de côté. D’autres contournent la difficulté en bougeant le plus souvent possible. D’autres luttent musculairement et douloureusement. Ils ne se considèrent jamais suffisamment musclés et, pour cause, l’objectif de dos droit n’est pas fait pour eux ! La rondeur du bas du dos peut être importante voire impressionnante, tout en étant normale. Dans ces cas, la serviette éponge roulée placée en soutien tout en bas du dos est rassurante en la limitant.
Connaître la nature droite ou ronde de sa structure est un moment important parce qu’il est un pas de géant dans la connaissance de soi.
L’évaluation peut être rendue difficile par le contexte de blessure et de douleur. La priorité est alors celle de la recherche des postures de non-douleur. Le diagnostic de structure droite ou ronde sera fait après.
La lésion prime sur la structure et certaines lésions discales ne permettent pas de prendre la position ronde !
Et autres critères
Les autres critères de structure ronde :
- Croiser souvent les jambes
- S´asseoir avec une jambe repliée un pied sous une fesse ou croiser les pieds sous la chaise
- Se sentir mieux bras croisés que bras ballants en position debout
- Avoir du mal à tenir longtemps la position debout et être plus à l´aise en bougeant, en se déhanchant
- Ne pas pouvoir poser la tête sur l’appui-tête en voiture
- Ne pas pouvoir dormir à plat
- Avoir du mal à se tenir assis, dos cambré
D’autres sont plus folkloriques :
- Ne pas supporter de rester longtemps assis ou allongé à la plage, et se relever sans cesse pour aller marcher au bord de l’eau
- Aimer se rouler en boule dans un coin de canapé pour lire, lire étant une excuse parfaite pour se tenir rond
- Marcher plus facilement en montagne avec un sac à dos que sur le plat sans sac
- Se sentir léger dans l´eau et préférer barboter que nager
- Dormir en chien de fusil ou sortir un genou du lit allongé à plat ventre ou encore ouvrir une hanche lorsque l´on est sur le dos.
- Avoir mal au dos après une visite au musée
- Aimer prendre appui sur un mur ou mettre les mains dans les poches
- Avoir toujours entendu les parents, les professeurs de sport, les médecins ou les kinésithérapeutes dire de se tenir droit !
L'asymétrie
La meilleure façon de gérer sa rondeur est l’asymétrie. Le besoin d´asymétrie est un critère fort de structure ronde.
En position assise et en faisant pivoter le bassin et les jambes d’un côté tout en gardant le buste dans l’axe, vous devriez constater que l’appui sur la cambrure est meilleur.
En position debout bien droite, c’est la même chose. Comparez la position pieds serrés ou pieds décalés, bassin un peu tourné.
En position couchée sur le dos, le bas du dos est plus en appui sur le matelas quand vous êtes en asymétrie une hanche ouverte.
A retenir
La structure interne est le cadre mécanique particulier dont chacun dispose. Elle est plus ou moins droite ou plus ou moins ronde.
Pour profiter au mieux de ses capacités, l’organisation des postures et des mouvements doit être adaptée à la structure interne, l’inverse n’étant pas possible.
L’absence d’adaptation individualisée ne permet pas de profiter de la force et de la stabilité du dos. Le mal de dos en est la conséquence.
L’asymétrie est le complément naturel à la rondeur.
Cas pratique
Une jeune fille de 20 ans vient me voir pour des douleurs dorsales qui la gênent au quotidien et qui la limitent dans ses activités sportives. Les manipulations lui font du bien un temps variable sans qu’elle ait trouvé les facteurs favorisants à ses douleurs. Elle se tient très droite plutôt guindée, les épaules bien en arrière.
Je la regarde pendant que j’échange avec elle sur son histoire, et j’évalue sa mobilité ou plutôt son immobilité. Je constate seulement quelques mouvements d’acquiescement de la tête isolés sans petit mouvement d’accompagnement des épaules. Je me dis que c’est sa position très droite, épaules fixées en arrière qui favorise et entretient ses maux de dos, ce que je vais pouvoir vérifier tout de suite.
Les tests de mobilité d’enroulement et de rotation du cou en position dos droit ou « bas du dos enroulé, buste reculé » lui font constater que ses douleurs s’apaisent en position moins droite.
Je manipule les points de blocage du dos et je lui explique que sa position droite est en accord avec sa structure sauf qu’elle l’exagère ce qui limite la mobilité de son cou, lui fait perdre la mobilité d’accompagnement de son torse et de ses épaules, favorise ses rechutes douloureuses et entretient ses douleurs une fois installées !
Je lui ai conseillé aussi de rechercher pendant ses activités sportives des positions un peu moins droites en haut du dos pour libérer ses épaules, l’idéal étant de pouvoir les faire balloter comme les rumberos !
Elle me demande alors si ce ne serait pas son attitude trop droite qui expliquerait ses difficultés respiratoires en footing. Je constate avec plaisir que la mécanique d’analyse des postures s’est mise en marche.
Elle est ressortie de mon cabinet sans douleur, moins guindée, en ayant compris que son dos était sain, que c’était ses croyances sur la position droite qui lui imposait ses douleurs et que c’était à elle de trouver la solution à ses douleurs.