Lésion
Le premier mot, le plus important, est « lésion ». Pour moi, un mal au dos commence toujours par une lésion (ou une blessure) du disque. Le terme de « lésion » est très imprécis ; il peut s´agir d´une simple irritation ou d´une déchirure partielle ou complète. Et, malgré des différences évidentes selon le niveau d’atteinte, la logique de la prise en charge reste la même.
Un mal de dos commence toujours par une lésion du disque. Beaucoup d’entre elles sont de simples irritations.
Le disque et la résistance à la pression
Le disque est un anneau constitué de fibres qui maintient sous pression une partie centrale molle qui sert d’amortisseur, le noyau.
Sa qualité est de résister à la pression contrairement aux ligaments, aux tendons et aux muscles qui résistent à la tension.
Sa tolérance à la pression est excellente à la condition que sa position de fonction soit respectée. Quand elle ne l’est pas, la pression sur l’anneau s’élève jusqu’à entrainer l’étirement ou la déchirure d’un nombre plus ou moins important de fibres. Dans certains cas de déchirure, une partie du noyau est éjecté sous forme de hernie.
Le disque est un élément physique sous pression.
C’est souvent un défaut de placement minime qui élève la pression et le blesse.
Pourquoi n’est-on pas prévenu que la pression exercée est trop forte ?
Question complexe ! Voici quelques pistes :
- parce que l’instantanéité du geste n’en laisse pas le temps,
- parce que nous avons une culture du geste trop réduite qui ne permet pas l’adaptation et qui enraidit,
- parce que nous n’anticipons pas,
- parce que nous ne nous écoutons pas,
- parce que les muscles masquent la pression plus qu’elle ne l’élimine,
- parce que nous ne nous méfions pas des mouvements répétés ou des positions fixes.
Selon l’importance et l’emplacement de la blessure, le disque peut conserver une bonne tolérance à la pression permettant une activité normale ou avoir une intolérance à la moindre mise en pression.
La tolérance à la pression est un critère important d’évaluation du disque blessé.
Comment évaluer la gravité de la lésion ?
Il est nécessaire de prendre du temps pour évaluer un mal de dos qui vient de s’installer car les premières impressions ne sont pas forcément justes. Une douleur vive peut se calmer rapidement ou s’aggraver en cours d’évolution quand quelques fibres blessées lâchent secondairement.
Cependant, des facteurs permettent de préjuger de la gravité d’une lésion.
- Comment s’est-on fait mal ? Ce n’est pas pareil d’avoir mal après être resté longtemps debout qu’après avoir ressenti un coup de poignard en bas du dos en déplaçant un canapé.
- Quelle est l´intensité de la douleur ? Ce n’est pas pareil d’avoir une petite gêne qui va et qui vient en fonction de l’activité que d’avoir une douleur permanente qui s’accentue violemment au moindre mouvement.
- Comment cela fait mal ? La gravité se retrouve dans la tonalité de la douleur plus que dans l’intensité. Certaines douleurs profondes et fortes s’imposent ou transpercent en éclair; d’autres insomniantes obsèdent. Et puis il y en a avec lesquelles on arrive à composer.
- Qu’est-ce qu’elle empêche de faire ? Un des meilleurs signes pour évaluer l’importance d’une lésion est la fonction. L’incapacité de se relever d’un siège ou d’un lit est plus un signe de déchirure que d’irritation. En fonction de son métier, les éléments de gravité varient. Pour tous ceux qui travaillent devant un ordinateur, la grande question est de savoir si on supporte la position assise et les transports. Si on est maçon, les critères de gravité sont plus nombreux.
- Comment évolue-t-elle ? Une douleur forte qui diminue de moitié en une semaine est de meilleur pronostic qu’une douleur moyenne qui reste stable.
- Comment est-elle soulagée ? Si aucune posture ne la soulage, il est probable que la blessure soit une déchirure et que ce soit la pression du noyau sur elle qui la rende douloureuse.
Il est important de se rappeler que :
- Le mal de dos est le plus souvent la conséquence d’une lésion mineure, - la douleur est le plus souvent plus forte que ne l’est la lésion.
La cicatrisation
Une lésion ne se traite pas, elle cicatrise.
Toute lésion a besoin de temps pour cicatriser. Le temps de cicatrisation dépend de l´importance de la lésion. Si la blessure est minime, quelques jours voire quelques heures suffisent. Par contre, si le disque est déchiré, plusieurs semaines seront nécessaires quels que soient les traitements entrepris. Ça ne veut pas dire qu’il n’y a rien à faire mais cela veut dire que c’est la nature qui commande. La notion de lésion est importante qu’elle soit majeure ou mineure car elle incite à respecter les conditions de cicatrisation. Pour qu´une blessure puisse guérir au mieux, il faut lui en laisser le temps mais aussi respecter les conditions de cicatrisation : si une coupure est sollicitée tout le temps, elle aura du mal à se refermer... même petite ! Ce sera pareil pour une blessure du dos.
C’est souvent parce que les conditions nécessaires à la cicatrisation ne sont pas respectées que les lésions tardent à guérir et que les douleurs persistent plus qu’elles ne devraient.
La blessure de l’anneau peut diminuer la capacité du disque à supporter la pression subie. Le mécanisme de pression a ceci de particulier que les postures fixes sont souvent moins bien supportées que les mouvements.
À chaque fois que la charge maximale supportée par les fibres blessées du disque est dépassée et une douleur ressentie, la cicatrisation de la blessure est retardée.
Le temps de cicatrisation dépend de l’attention portée à la lésion.
« Combien de temps je vais mettre pour guérir ? »
Comme il est souvent dit en Médecine, cela dépend !
Il y a tout de même des références. Généralement, un os, un muscle, un tendon, un ligament cassé ou déchiré met 4 à 6 semaines pour cicatriser. Un disque mettra le même temps mais ce n’est pas une règle intangible. En cas de sciatique, la déchirure n’est pas forcément complète et la guérison prendra 2 ou 3 semaines. Dans d’autres cas, le disque blessé reste sous pression et la guérison peut être beaucoup plus longue.
Il faut garder en tête qu’un lumbago est un épisode mineur qui dure en moyenne une petite semaine et les épisodes moyens 3 semaines.
Il est admis que 90 % des lombalgies disparaissent ou s’améliorent grandement d’elles-mêmes en quatre semaines ou moins.
La durée moyenne de cicatrisation est une arme à double tranchant : un rassurant « Il est normal d’avoir mal un certain temps » et un autre déresponsabilisant « je vais continuer mes activités comme si de rien n’était. On m’a dit que je serai guéri dans quatre semaines ».
Et il ne faut pas confondre le temps de soulagement et le temps de guérison qui va permettre de reprendre une activité normale.
Le premier jour où on n’a plus mal, la lésion n’est pas totalement guérie.
« J’ai une sciatique, et je ne comprends pas comment on peut guérir d’une hernie sans opérer. »
La hernie est la conséquence d’une déchirure importante du disque. C’est un accident lombaire fréquent. Heureusement, la nature est très bien faite et la plupart des hernies discales cicatrisent bien, plus ou moins vite, mais sans être opérées.
Le plus souvent, les fibres du disque cicatrisent ; le gel de la hernie s’assèche, perd de sa consistance et est considéré comme un corps étranger par l’organisme qui l’attaque pour le détruire ; l’inflammation s’atténue avec le temps. Le disque récupère alors petit à petit sa capacité à supporter la charge du dos et la hernie irrite de moins en moins le nerf jusqu’à ne plus avoir mal.
Dans certains cas, la lésion reste sous pression et n’évolue pas bien. Le contexte est alors médico-chirurgical.
CAS PRATIQUE
Mme P. me téléphone le vendredi matin. Elle s’est fait surprendre mardi en éternuant. Elle n’a pas pu accompagner l’éternuement parce qu’elle avait les bras chargés et elle s’est raidie. Elle a bien senti qu’un accès de pression avait contrarié le bas de son dos. Elle a pu continuer ses activités à peu près normalement. En fait, elle est surtout gênée en position assise de travail. La gêne est aujourd’hui moins forte sans avoir complètement disparu.
— Qu’est-ce-que je dois faire, Docteur ? Est-ce qu’il faut que je passe vous voir ?
— Non, je ne pense pas que ce soit nécessaire aujourd’hui. Vous avez provoqué une petite blessure en éternuant. Elle évolue lentement mais favorablement. Vous êtes bien la nuit et ça c’est important. Je pense que c’est votre position de travail qui freine la guérison. Soyez raisonnable ce week-end, n´en faites pas trop et méfiez-vous des positions assises prolongées. Je pense que vous ayez besoin ni de médicament ni d’un traitement manuel. Vous me rappelez lundi si ça ne va pas mieux. »
Elle ne m’a pas rappelé. En évitant les contraintes de la position assise, elle a finalisé la cicatrisation de sa petite blessure.